Le magasin à poudre, dans un fort sert à entreposer, à cette époque, un explosif particulièrement instable «la poudre noire». Il doit être éloigné des lieux de vie des militaires.
La poudre noire servait au chargement des projectiles d’artillerie. A cet effet, on trouvait en satellites des magasins à poudre, des ateliers de chargement, des magasins aux projectiles vides, aux projectiles chargés, aux gargousses confectionnées, aux artifices.
Les munitions utilisées devaient être préparées et chargées juste avant l’approvisionnement des pièces d’artillerie du fort. Chaque ouvrage fortifié était donc équipé d’un ou deux magasins à poudre. Les magasins pour être protégés des coups de l’ennemi sont recouverts de plusieurs mètres de terre.
Le Fort de Bron comportait 2 magasins à poudre situés à chaque extrémité, sur le front II – III et sur le front VII – VIII.
Trajet de la poudre dans le magasin à poudre
Suivons le chemin de la poudre avant de visiter le magasin sud du Fort :
Les magasins à poudre du Fort
La lecture du procès-verbal signé le 1er mai 1875 [1] par MM. Capitain, chef d’escadron, commandant l’artillerie du 2ème arrondissement et Tétard, Capitaine du Génie nous précise que le Fort de Bron doit avoir besoin d’un approvisionnement total de 140 000 Kilos de poudre. « Ainsi deux magasins à poudre pouvant contenir chacun 70 000 kilos de poudre seraient suffisants ».
Cette page se limitera au magasin à poudre sud du Fort
Structure du magasin à poudre sud
En 1874, le magasin à poudre correspond à des normes de construction précises. Il comporte plusieurs parties :
- Les galeries d’assainissement ou d’aérage : ces deux galeries latérales participent à l’assèchement de l’ensemble tout en jouant un rôle de décharge en cas d’explosion.
- Les vestibules : ils jouent le rôle de sas avant de pénétrer dans la chambre de stockage.
- La chambre de stockage : c’est le local où est stockée la poudre noire.
- La chambre d’éclairage ou chambre aux lanternes située au dessus d’un vestibule destinée à éclairer la chambre de stockage de la poudre
Les plans des magasins à poudre du Fort de Bron sont conformes au plan du magasin à poudre du type réglementaire Mle 1874 du 22 août 1874 en cette fin du XIXème siècle : voir documents ci-dessous.
Les galeries d’assainissement
Deux galeries d’assainissement ou galeries enveloppes sont parallèles à la chambre destinée au stockage des poudres. Elles sont recouvertes d’une voûte en plein cintre.
- L’une (A) abrite l’accès à l’escalier de la chambre aux lampes.
- A l’extrémité de l’autre couloir (B) se trouve le puits d’aérage et d’accès du vide sanitaire de la chambre de stockage. Ce puits devait être fermé à l’origine par un tampon en pierre ou en bois, aujourd’hui il est clos par une simple grille.
Les vestibules du magasin
Un vestibule jouant le rôle de sas est situé à chaque extrémité de la chambre de stockage.
Vestibule B « accès extérieur »
C’est par cet accès que la poudre est introduite dans la chambre à poudre
Ce vestibule joue le rôle de sas entre l’extérieur et la chambre de stockage (voir le vestibule B sur le plan).
Visible dans le fond du vestibule, c’est par cette porte que les caisses à poudre sont introduites dans le vestibule avant d’être entreposées dans la chambre de stockage dite chambre à poudre.
A gauche, une porte blindée protège l’accès à la chambre de stockage.
Dans la partie supérieure de ce mur, une baie est fermée par des volets blindés. L’ ouverture de ces volets permet un éclairage naturel de la chambre de stockage grâce à la lumière issue de la baie située au plafond du vestibule. (Voir photo de droite ci-dessous)
Vestibule A « accès intérieur »
C’est par ce vestibule que les militaires chargés de la confection des munitions viennent chercher les caisses à poudre entreposées dans la chambre à poudre ou chambre de stockage.
Une porte doit être franchie pour entrer dans le vestibule. Pour des raisons de sécurité, cette ouverture est perpendiculaire à celle permettant l’accès à la chambre de stockage. (Voir le vestibule A sur le plan)
Le militaire pour accéder à la chambre de stockage ne doit pas avoir de métal sur lui. Revêtu d’un bourgeron avec boutons en bois, galoches adaptées ou à défaut de chaussons renfermant les brodequins, il peut ainsi pénétrer dans la chambre. Une niche se trouve à disposition dans le mur de la galerie face à la première porte du vestibule.
Une fois la porte franchie, le soldat se trouve dans le vestibule.
Au-dessus de ce sas est située la chambre aux lanternes dont on peut observer son escalier au fond de la chambre.
Mais, pour pénétrer dans la chambre de stockage, il faut ouvrir une nouvelle porte, en bois doublée de tôle. Ce blindage constitue un obstacle aux enfoncements ou aux destructions lors de la prise d’un fort ou d’une tentative de vol. La porte est également munie de 3 serrures différentes. Les clefs sont confiées à 3 personnes qui doivent être présentes pour l’ouverture de la porte.
Avant d’accéder dans la chambre de stockage, une seconde porte avec une seule serrure aujourd’hui absente devait compléter le dispositif de sécurité. Les gonds, les pentures et l’entrée de la serrure étaient prévus en bronze pour éviter les étincelles,.
La chambre de stockage
Pour favoriser la diffusion de la lumière les murs étaient blanchis à la chaux.
L’instruction du 22 août 1874, indique les mesures de ce local: la chambre rectangulaire est formée d’une voûte en plein cintre de 6 mètres de diamètre reposant sur des piédroits de 1,60 mètres d’épaisseur et de 2,10 mètres de hauteur.
Concernant le Fort de Bron, le procès-verbal signé par MM. Capitain et Tétard le 1er mai 1875 (voir plus haut) corrobore bien les mesures préconisées pour cette chambre : 6 mètres sur 18,80 mètres, 4,80 mètres de hauteur sous clé au-dessus du plancher.
A l’origine la poudre était conditionnée en baril mais cela était peu commode et dangereux car de la poudre pouvait s’échapper. Donc à partir de 1875 on adopte des caisses en bois doublées de zinc d’une contenance de 5O kg et de dimensions 0,80 x 0,40 x 0,40 m. Ainsi elles sont plus facilement empilables par 9 ou 10 comme précisé dans le procès-verbal cité ci-dessus. Le Fort de Bron peut stocker 70 tonnes soit environ 1400 caisses dans chaque chambre.
Aménagement des magasins à poudre
Selon l’instruction du 20 Février 1877, « les gargousses sont conservées dans des magasins construits exactement de la même façon que les magasins à poudre décrits précédemment. Pour prendre le moins de place possible, ces gargousses sont emmagasinées en vrac de telle façon que les magasins aient une contenance de poudre en gargousses sensiblement équivalente à celle qu’on obtient avec la poudre en grains renfermée dans des caisses. »
(* Note : Les gargousses pouvaient être utilisées par les canons de 138 de Reyffie)
Voir ci-dessous une illustration de ces magasins (source [9] © cahier d’Albi n° 232 voir bibliothèque adhérents)
L’instruction du 20 Février 1877 précise « Dans les magasins destinés à contenir à la fois de la poudre et des gargousses ce plancher occupe un des côtés du bâtiment seulement ou n’est établi que sur une largeur en rapport avec avec la quantité de gargousses à loger.«
Une lettre datée du 17 août 1877 du Général Séré de Rivières au Colonel Chef de génie de Lyon [2] nous renseigne sur les aménagements envisagés des magasins à poudre pour le stockage des gargousses au Fort de Bron :
Extrait » … Au sujet des aménagements des magasins à poudre des Forts de Vancia, Bron, Feyzin et Mont Verdun, pour l’emmagasinement des gargousses de 138 mm*. [ ..] Je vous autorise à faire établir un plancher intermédiaire conforme aux prescriptions de la C. Ministérielle du 21 février 1877. Premièrement , au fort de Bron et au fort de Vancia sur l’un des cotés de chacun de ces magasins de ces forts …« P. le Ministre de la Guerre signé De Rivières.
L’hygrométrie de la chambre de stockage
Dans la chambre de stockage, à l’origine, le sol était recouvert d’un plancher en chêne qui reposait sur un vide sanitaire. Le plancher n’existe plus actuellement .
L’hygrométrie de la chambre est une préoccupation constante. Des baies d’aérages permettent une ventilation de la chambre. Pour le maintien de l’équilibre, on ferme ou on ouvre les baies d’aération.
Concernant le magasin à poudre N° 1 du fort de Bron, en 1878, des expériences ont été réalisées durant six mois pour constater l’état de siccité de la chambre (sécheresse du lieu).
Un procès-verbal, rédigé le 11 juin 1878 [3], par le Lieutenant-colonel Varaigne, Chef du Génie de la Place et par le Chef d’escadron Capitain, commandant l’Artillerie du 2ème arrondissement, établit que les contrôles de siccité permettent d’affirmer que le magasin peut être mis en service. Le 24 juillet 1878, le général Séré de Rivières autorisait la remise du local à l’artillerie [4] .
Pour juger de l’opportunité d’aérer la chambre de stockage, on pouvait se servir d’un vase argenté [5] déposé sur une étagère de la chambre près de l’entrée. Ce vase en laiton argenté et en verre rempli d’eau était porté à l’extérieur. En l’absence d’un dépôt de rosée sur la partie métallique du vase, on ouvrait les orifices de ventilation.(Voir les cahiers d’Albi N° 112 en bibliothèque)
La chambre d’éclairage ou chambre aux lanternes
Aucun éclairage direct, néanmoins la lumière arrivait par la chambre d’éclairage séparée de la chambre de stockage par des baies carrées. Ces baies percées dans le mur sont placées dans l’axe de chacune des trois allées. Elles sont équipées d’un diaphragme en verre d’une épaisseur de 2 cm encastré dans un châssis en bronze qui isole la lanterne de la chambre de stockage.
Les baies sont destinées à recevoir les lanternes à huile qui servent à l’éclairage artificiel de la chambre de stockage. Les lanternes sont fournies par le service de l’artillerie. Elles fonctionnent à l’huile minérale de colza et sont munies d’un réflecteur parabolique.
Source : Cours de fortification permanente Goetschy Gallica BNF
Photos ci-dessus la lanterne en situation dans la baie d’éclairage au fort de Bessoncourt [6] © cahier d’Albi
Les lanternes n’étaient jamais portées allumées hors de la chambre d’éclairage. Après avoir été allumées à l’aide de la lanterne de sûreté et d’une sorte de bougie appelée « rat-de-cave », les lanternes à réflecteur étaient placées dans leur emplacement dans les baies d’éclairage.
Le paratonnerre
Chaque chambre de stockage est directement protégée par un paratonnerre de 8,50 m de haut qui est démontable en temps de guerre afin de ne pas indiquer à l’ennemi la position de la chambre. Le paratonnerre se compose d’une tige terminée par une pointe et d’un conducteur. La distance à laquelle le paratonnerre est efficace correspond à l’espace circulaire d’un rayon double de sa hauteur. Le conducteur devait aboutir à un puits jamais à sec ou à une tranchée de terre toujours humide.
(Au fort de Montfaucon en 1906, la foudre est tombée sur un magasin à poudre détruisant le fort. L’enquête montra que le puits dans lequel plongeait le conducteur du paratonnerre était à sec depuis plusieurs semaines [8].
Références :
- Cours d’application de l’artillerie et du Génie Cours de construction « magasins à poudre et à dynamite Stands » Goetschy 1884 Gallica BNF
- Aide mémoire à l’usage des officiers d’artillerie chapitre V poudres et autres substances explosives planche 17 -1881 Gallica BNF
- [1] Génie artillerie, place de Lyon, Direction de Lyon, Procès-verbal du 1er mai 1875 (Arch. F-Br)
- [2] lettre du Général Séré de Rivières Aménagement des magasins à poudre des forts de Vancia, bron, Feyzin et Mont Verdun pour gargousses 138 mm (Arch. F-Br)
- [3] Génie artillerie, place de Lyon, Direction de Lyon, Procès-verbal 11 juin 1878 (Arch. F-Br)
- [4] Lettre du Général Séré de Rivières au Général, Commandant du 14ème corps d’armée (Arch. F-BR)
- Les Cahiers d’Albi : [5] le vase argenté (N° 112) , [6] magasins à poudre -baies d’éclairage (N° 122) , [7] Faits divers dans les Forts (N°100 ), [8] Magasin à poudre – engerbement (N°151), [9] © cahier d’Albi – Magasin aux gargousses (N° 232). Site : www.cahieralbi.fr
01122023-561