Les caponnières sont des casemates voûtées, recouvertes de terre, intégrées au mur d’escarpe qui s’intègrent à la fortification du Fort pour défendre les fossés. Le Fort de Bron possède deux caponnières simples ou ailerons disposées sur les flancs et une caponnière double au saillant de la fortification.
Les caponnières du Fort
Les caponnières protègent des pièces d’artillerie qui ont pour but d’arrêter des assaillants ayant réussi à descendre dans les fossés entourant le fort. En effet, leur armement adapté va prendre en enfilade, c’est-à-dire dans le sens de la longueur, toute une partie du fossé enserrant le Fort.
L’étendue des fossés est ainsi défendue grâce à des tirs parallèles aux murs d’escarpe et de contrescarpe, cette disposition est appelée le flanquement.
Les caponnières sont volontairement construites assez basses, on dit qu’elles sont défilées. Le défilement consiste à construire la fortification de manière à masquer l’intérieur et à la mettre à l’abri des coups directs de l’artillerie de l’assaillant.
Ci-dessous les murs de masque de la caponnière sud et de la caponnière nord vus des fossés
Accès à la caponnière
On se rend dans la caponnière par une galerie couverte par une voûte en plein cintre. cette galerie dite « descente de caponnière » est en pente sans escalier. En effet, un escalier aurait été gênant pour armer la caponnière.
Éclairage et aération
Les caponnières possèdent plusieurs puits de lumière permettant l’aération et l’éclairage des lieux. Ainsi, la double caponnière a la particularité de posséder un grand puits de lumière de 4 mètres 10 de diamètre.
Les puits de lumière sont protégés en surface par des lanterneaux de protection et de leur couverture en verre et zinc.
Accès à l’extérieur
Accès aux fossés
Chaque caponnière est munie d’un petit escalier dénommé « pas de souris ». Au bas de cet escalier une grille s’ouvre sur un fossé plus profond de 3 à 4 mètres: le fossé diamant.
Ci-dessous : à gauche le « pas-de-souris » (petit escalier étroit et difficile d’accès) débouchant sur le fossé diamant de la double caponnière , à droite ouverture de la caponnière sur le fossé diamant .
Le fossé diamant est destiné à empêcher d’éventuels assaillants d’atteindre les embrasures. Il devait également recueillir les débris de maçonnerie projetés par les explosions ou les décombres provenant du massif de terre surmontant la caponnière afin d’éviter l’obstruction des ouvertures pratiquées dans le mur.
On plaçait une petite passerelle au-dessus du fossé diamant afin d’accéder au fossé ceinturant le fort. Les soldats pouvaient utiliser ce passage pour rejoindre les galeries de contrescarpe situées de l’autre côté du fossé (voir la page sur les fossés).
Accès au chemin de ronde
Les soldats avaient un accès direct au chemin de ronde par un passage bloqué par une porte et une grille (voir plan).
Les caponnières étaient surmontées de banquettes de tir accessibles ainsi depuis l’intérieur.
Les embrasures de la galerie de fusillade de tête
En avant de la caponnière, une galerie de fusillade dite « galerie de tête » longe la caponnière.
Différents types d’embrasures sont percés dans le mur afin de pouvoir faire feu sur l’assaillant se trouvant dans les fossés.
Des créneaux de tirs verticaux et horizontaux pour l’utilisation des fusils permettaient une défense rapprochée.
L’évasement vers l’intérieur des créneaux verticaux permet au défenseur de tirer vers la droite ou vers la gauche en se déplaçant devant l’ouverture ce qui diminue la rapidité de son tir. En revanche, l’évasement vers l’extérieur des créneaux horizontaux facilite le tir en direction du fond des fossés.
Sous ces créneaux sont placés des «créneaux de pied» (photos ci-dessous). Ce sont de longues ouvertures, bordées d’un arc de maçonnerie surbaissé.
Elles permettaient de voir le pied de la caponnière et de tirer au fusil selon un angle de 45 degrés ou pratiquement verticalement.
A l’intérieur de la caponnière, un petit muret horizontal disposé en avant du créneau de pied réduit l’ouverture afin de se protéger plus efficacement des tirs extérieurs.
Les embrasures des chambres de tir
Sur chacun des deux flancs de la caponnière double, deux chambres de tir en berceau présentent en plein centre une embrasure adaptée au placement d’une pièce d’artillerie.
Ci-dessus : les deux chambres de tir avec voute en berceau sont situées sur les flancs de la caponnière. Dans le mur du fond, l’embrasure centrale permettant la mise en place d’une pièce d’artillerie est de nos jours munie d’une grille. On remarque une entaille sur le bas du mur de la chambre de tir de droite (voir plus loin dans la page, l’explication vraisemblable)
Cette embrasure est accompagnée de chaque coté latéral par un créneau vertical de fusillade permettant de surveiller les fossés.
Ci-dessus – 1 : Embrasure centrale flanquée de deux créneaux / 2 : créneau vertical
Cet ensemble est prolongé par une voûte formant une sorte de tunnel ouvert dans le mur d’escarpe pour parfaire la protection contre les coups extérieurs. On utilise le terme d’embrasure sous visière. [1]
On trouve ainsi dans la double caponnière deux tunnels-visières à droite et deux tunnels-visières à gauche qui donnent sur les fossés diamants. Ils sont prévus pour le tir de canon en direction des espaces à défendre.
L’armement des caponnières
Les caponnières étaient armées sur chaque flanc de deux pièces de flanquement : un canon léger capable de disperser les éboulements, les matériaux jetés dans le fossé par les assaillants ou détruire d’éventuels engins de franchissement situés dans le fossé et une mitrailleuse ou une pièce à tir dispersé, efficace contre une troupe descendue dans les fossés.
Si les caponnières des Forts furent dans un premier temps armées de mitrailleuses Reffye, en février 1879, le Comité de Défense commanda des canons-revolvers modèle Hotchkiss, 1879 de 40 mm.
Ces modèles sont composés d’un faisceau de cinq tubes séparés qui tournent autour d’un axe du canon, le tir s’effectuant automatiquement en tournant une manivelle.
Ce canon-revolver « lance, à la charge de 90 grammes de poudre, une boite contenant 24 balles sphériques au plomb durci pesant 32 grammes. La poudre est contenue dans une douille métallique…. Les balles sont rangées sur 8 couches endentés de trois , les interstices sont remplis de sciure de bois»[3].
Cependant, cette munition explosive de faible puissance ne détériore pas les maçonneries des fossés du Fort tout en demeurant redoutable pour l’ennemi si celui-ci parvient à franchir le mur de contrescarpe.
Le 30 mars 1988, le lieutenant-colonel Chef du Génie Bonnal et le Chef de Bataillon Maillac établirent un rapport qui nous éclaire sur l’armement des caponnières et qui prévoit l’installation de 4 canons de 12 culasse [5].
Ce rapport étudie « les modifications qu’il y aurait lieu d’apporter aux caponnières des ouvrages de la place de Lyon, en vue d’augmenter leur aération naturelle, et d’y permettre l’installation des canons de 12 culasse affectés au flanquement des fossés. » [5]
Le canon de 12 culasse qui est ainsi affecté au flanquement des fossés est en réalité un ancien obusier de 12 modèle 1853 et rayé 1855 modifié avec la mise en place d’une fermeture de culasse Lahitolle(2) pour son utilisation dans les caponnières. Il est utilisé pour les défenses des fossés car sa puissance n’est pas suffisante pour détruire les maçonneries.
La suite du rapport met l’accent sur les cheminées d’évacuation observables de nos jours et les travaux à réaliser (Extrait) :
«C’est pour la caponnière du saillant de l’ouvrage de Bron que l’évacuation de la fumée semble le mieux assurée, car, pour chaque pièce tirant sous visière, il existe, de part et d’autre du mur de masque, une cheminée rectangulaire de grande section. » [5]
Ci-dessous : les chapeaux des cheminées d’aération situées de part et d’autre du mur de masque
« … il n’y a plus qu’à entailler dans les murs le masque de ces caponnières, les évidements nécessaires pour loger la tête du lisoir et les roulettes de l’affût du canon de 12 culasse, dans les limites du champ de tir horizontal que permettent les embrasures. » [5]
Les munitions nécessaires à la caponnière sont entreposées dans les magasins de batterie adjacents.
Un magasin de batterie de la double caponnière
Références :
- [1] Ecole d’application de l’artillerie et du génie – cours de fortification permanente 2ème partie organisation de détail de la fortification actuelle – détails des fortifications construites entre 1870 et 1885 – 4 p 58 – 1894 – F Goetschy – Gallica
- [2] Ecole d’application de l’artillerie et du génie cours d’artillerie bouches à feu p.158 . A. Lachaussée -juillet 1892 .
- [3] affût canon revolver : Ecole d’application de l’artillerie et du génie. Cours de fortification permanente. 2e partie. Organisation de détail de aide mémoire à l’usage des officiers – chapitre III affûts, voitures attirail 1880 librairie militaire J. Dumaine
- [4] Les Merveilles de la science ou description populaire des inventions modernes – Tome II Des Suppléments p.181 – Librairie Furne, Editeurs Jouvet et Cie, 1867-1891
- [5] Rapport de conférence – Bonnal, lieutenant Colonel Chef du Génie de Rive droite ; Maillac, Chef de Bataillon, Chef du génie de Rive gauche ; Clavel, Chef d’escadron Commandant le 3ème Arrondissement d’Artillerie ; Et Julien, Chef d’Escadron Commandant le 2ème Arrondissement d’Artillerie – Arch. F de B
- [6] Le canon de 12 Culasse Règlement sur le service des bouches à feu de siège et place Materiel .2ème Partie p.88 -. Henri-Charles Lavauzelle 1892 .