Lieux essentiels à l’hygiène des soldats, les latrines ont pour rôle d’assurer la santé de leurs utilisateurs en permettant l’évacuation des matières fécales et de l’urine. Le mot « latrines » est un terme emprunté au latin latrina, qui désigne des lieux d’aisances sommaires notamment militaires.
Des latrines pour les soldats
Ces latrines sont placées dans le prolongement nord du casernement où logent les soldats. Elles s’ouvrent sur la cour du Cavalier à l’opposé de la cuisine située à l’autre extrémité. Pour tenir compte des progrès de l’artillerie, les latrines sont protégées par une voûte recouverte d’une masse de terre. Afin d’éviter un parcours risqué à l’extérieur, elles sont reliées aux chambrées des soldats situées à l’étage du casernement par une galerie et un escalier.
La salle des latrines (environ 8 m X 4 m) est éclairée et aérée par un puits de lumière, une fenêtre et communique par une porte avec la cour du cavalier. Il s’agit de purifier l’air afin d’éviter les mauvaises odeurs et les gaz toxiques rendus responsables des épidémies fréquentes à cette époque. L’aération est également nécessaire pour l’évacuation des émanations de méthane, provenant de la fosse, susceptibles de provoquer des explosions.
Contre le mur nord, les latrines présentent neuf sièges dits à la turque soit neuf trous avec emplacements pour les pieds ce qui correspond à la norme de cette époque d’un siège pour 80 à 100 hommes. Il faut éviter les matériaux qui peuvent s’imprégner et il faut avoir des surfaces imperméables faciles à nettoyer. Le bois est exclu par mesure d’hygiène car difficile à nettoyer des souillures [1].
Des murets en dur de 10 cm d’épaisseur sur une hauteur de 1,10 m ont laissé leur trace au sol et sur le mur. Ils devaient séparer chaque siège. En effet, par mesure de précaution, il faut que le soldat ne soit pas complètement isolé dans un espace clos de façon à éviter un suicide. L’armée redoutait un geste désespéré chez des jeunes recrus déracinés, particulièrement fragiles et atteints de « nostalgie » [2].
Dans cette même salle, sur le sol apparaissent les vestiges laissés par un mur d’urinoir. Ce mur d’une longueur de 5m est bordé de chaque côté par une rigole. Un trou rectangulaire (11cm/13cm) permet l’écoulement de l’urine des rigoles vers la fosse.
Les soldats pouvaient accéder aux latrines directement par le couloir intérieur. Mais elles ne pouvaient être utilisées qu’en temps de guerre. En effet, il ne fallait pas courir le risque d’être surpris par une alerte avec une fosse déjà partiellement remplie qui deviendrait rapidement inutilisable en cas de conflit.
La fosse d’aisance souterraine est fermée par un « tampon de vidange » de 80 cm de diamètre visible devant la porte. Elle avait une capacité prévue pour 6 mois. Lorsqu’elle était pleine, une entreprise spécialisée venait vidanger. Les déchets ainsi récupérés servaient d’engrais.
Ce dispositif à fosse fixe était complété par l’installation de tinettes (seaux hygiéniques ou baquets) qui se plaçaient dans les locaux disciplinaires, et pour la nuit sur le palier devant les chambrées. Ces tinettes devaient être vidées chaque jour.
En projet : Actuellement ces latrines sont en projet de restauration et de reconstitution partielles par l’Association afin de montrer aux visiteurs la réalité d’un tel lieu dans un Fort de cette époque.
Des latrines réservées aux officiers.
Les officiers ont des latrines à part et souvent plus confortables. Leurs locaux se trouvant dans la cour du parados, au Fort de Bron, les latrines devaient se situer dans cette cour.
Des latrines en temps de paix
A noter qu’en temps de paix, les latrines étant fermées afin de les garder opérationnelles en cas de conflit, les soldats utilisaient des dispositifs placés à l’extérieur en particulier le système Goux. Ce sont des latrines à fosses mobiles ou édicules à système « Goux », petites constructions modulaires souvent en acier galvanisé [3]. Dans son » traité d’Hygiène militaire » [4] A Leveran, Directeur du service de santé écrit : « Le système Goux a rendu des services dans les camps des environs de Paris en 1871, au camp de Châlons et dans un grand nombre de casernes ». Ce système s’est ensuite généralisé.
Références
- [1] Étude sur l’insalubrité des quartiers militaires, à propos de l’application de la nouvelle loi sur l’armée – M. Malherbe, 1879 – Gallica
- [2] Voir concernant la « nostalgie : « Bons pour le service – chap 1- Od. Roynette – Ed. Belin 2000 – 2017
- [3] Les cahiers d’Albi N° 26 Édicule à système Goux
- [4] Traité d’hygiène militaire – p.732 – A. Laveran – 1896 Ed. G. Masson